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Sophie Genier

Directrice services recyclage de Citeo

Interview Expert

Comment développer le recyclage des emballages et des papiers ?

Aujourd’hui, le recyclage des emballages et des papiers est challengé : accéléré par l’agenda réglementaire et identifié par les Français comme une solution environnementale efficace, et pourtant jugé par certains comme insuffisant et ne pouvant répondre seul à la nécessité de préserver l’environnement. Quels sont les leviers technologiques et économiques à l’oeuvre pour augmenter les performances du recyclage et faire progresser la filière ? L’éclairage de Sophie Génier, Directrice services recyclage de Citeo, et de Marc-Antoine Belthé, Directeur Valorisation et Filiales de spécialités de Veolia Recyclage et Valorisation.

#recyclage#emballages

    Pourquoi le recyclage est-il autant d’actualité ?

    Sophie Génier : Près de 9 Français sur 10 placent le tri et le recyclage en tête des leviers efficaces pour l’environnement. Or les taux de recyclage actuels ne sont pas suffisants. Il y a bien sûr une question de performance du geste de tri et de la collecte, mais aussi du recyclage. Le verre se recycle bien, tout comme le carton, les papiers et le métal, mais les plastiques sont au coeur de l’attention sociétale, car seuls 28 % d’entre eux sont recyclés. À cela s’ajoute l’action du législateur, qui fixe l’objectif de 100 % d’emballages recyclables d’ici 2030, ce qui suppose des filières matures.

    Marc-Antoine Belthé : Dans l’opinion, il y aussi la perception d’un retard du recyclage en France, notamment en raison de doutes sur son efficacité et des déchets abandonnés visibles dans la nature. La production d’emballages est aussi pointée du doigt, mais le recyclage demeure toujours très attendu, peut-être aussi parce que la crise sanitaire a révélé son caractère essentiel. Les industriels et les opérateurs doivent donc agir de concert pour œuvrer au recyclage des emballages peu ou pas recyclés à date, les plastiques en particulier.

    Quelles sont les principales conditions pour développer les performances du recyclage ?

    S. G : Il faut augmenter les tonnages de matière collectés, assurer un niveau d’approvisionnement constant et élever le niveau de qualité afin d’assurer des débouchés suffisants et à forte valeur ajoutée. Cela nécessite d’améliorer en amont l’écoconception des emballages et d’assurer des volumes suffisants pour permettre aux recycleurs de travailler de façon pérenne. La simplification du geste de tri, qui est en cours pour tous les Français, va accélérer ce processus, en particulier pour les plastiques.

    M-A. B : Parmi les critiques, on retrouve le « downcycling », une matière recyclée au rabais. Pour réduire ce phénomène, il est nécessaire de produire une matière recyclée de qualité. Et le public doit être en mesure d’identifier les emballages faits de matières recyclées et recyclables, pour les trier ; sans le geste de tri, il n’y a pas de recyclage possible. Les solutions viendront aussi de la R&D et de l’investissement dans de nouvelles technologies.

    Pouvez-vous préciser les initiatives et technologies identifiées ?

    S. G : En France et en Europe, nous participons au développement des technologies de recyclage mécanique et chimique pour les plastiques, et à l’émergence d’une filière de recyclage par pyrolyse pour l’aluminium. Depuis 3 ans, la recherche s’accélère, soutenue par Citeo, qui a lancé notamment le Consortium « PS25 » et le « Club PP », pour fédérer les énergies autour de ces deux résines à enjeux. Et nous soutenons aussi les innovations en matière de tri industriel, notamment celles qui utilisent la reconnaissance visuelle et l’intelligence artificielle, comme les watermarks.

    M-A. B : La préparation de la matière est une étape essentielle pour améliorer la qualité de la matière recyclée, notamment en vue du recyclage chimique. Veolia est particulièrement impliqué, par le biais d’importants investissements dans des unités de préparation, de tri et de surtri des emballages en plastique et des technologies de transformation. Car il faut bien comprendre que l’on ne peut pas mettre directement dans les équipements de pyrolyse la matière sortie des centres de tri ; il faut la préparer selon des spécifications précises et ainsi élever sa qualité.

    Quels sont les outils permettant d’assurer la compétitivité des matières recyclées par rapport aux matières vierges ?

    S. G : Il y a différentes façons d’y parvenir. Par exemple, au travers des engagements des metteurs sur le marché à introduire de la matière recyclée dans les nouveaux produits et emballages, comme les minéraliers avec le plastique PET. Au travers des éco-modulations, Citeo donne également un signal fort avec des bonus à l’intégration de matières recyclées. Des obligations ou d’autres incitations fiscales sont également des voies à explorer quand elles sont pertinentes.

    M.-A. B : Il est indispensable que les débouchés soient stimulés. Le marché a besoin des mesures dont Sophie a parlé. Côté empreinte environnementale, la matière recyclée est beaucoup plus compétitive que la matière vierge, même si vous tenez compte du coût de la collecte sélective, de la préparation de la matière, du tri et du surtri. Cela se vérifie si vous intégrez les externalités positives du recyclage qui permet notamment de limiter considérablement le recours aux ressources fossiles. Et donc globalement, son empreinte carbone est plus faible que celle des matières vierges.

    Quid des emballages que l’on ne parviendra probablement pas à recycler, malgré tous ces efforts ?

    S. G : Aucun système industriel ne sera jamais absolument parfait. Il faut donc des solutions d’écoconception en amont, et pour gérer la fin de vie, des solutions complémentaires au recyclage pour supprimer l’enfouissement encore pratiqué en France : recycler plus et mieux mais aussi développer la valorisation énergétique et la production de combustibles solides de récupération (CSR), par exemple.

    M-A. B : La filière de valorisation énergétique accélère en France et propose des solutions innovantes de chauffage urbain et d’alimentation en énergie de sites industriels, à partir de CSR faits de déchets et d’emballages non recyclables et non dangereux. Nous avons plusieurs projets en développement dont un majeur en région Grand-Est et la liste va s’allonger dans la décennie à venir.

    #recyclage#emballages#papiers
    Comment développer le recyclage des emballages et des papiers ?