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Eric Fromont

Directeur Tri et Flux développement

Interview Expert

Le flux développement, accélérateur de R&D pour le recyclage des emballages

Grâce à la simplification du geste de tri, 99 % des habitants de l’Hexagone peuvent trier tous les emballages et papiers. Si cette simplification facilite le quotidien des Français en levant leurs doutes sur les consignes de tri, notamment des plastiques, elle entraîne des évolutions en matière de tri industriel, l’étape qui vient juste après le geste de tri des consommateurs. Avec 2 enjeux clés : conserver un bon niveau de qualité de la matière triée pour être recyclée et alimenter la R&D pour développer les filières de recyclage des emballages en plastique. C’est le rôle du flux développement dont Eric Fromont, directeur déploiement des projets collecte et tri de Citeo, nous explique le fonctionnement.

#centre de tri#plastiques

    En 2014-2015, le déploiement de la simplification du geste de tri en France était lancé. Quelles ont été les conséquences dans les centres de tri ?

    La simplification du geste de tri ouvre le bac de tri à tous les emballages : les pots, barquettes, tubes, films et autres emballages souples en plastique sont les nouveaux entrants dans le bac jaune qui jusqu’alors, pour les plastiques, était réservé aux bouteilles et flacons (et c’est encore le cas pour 35% des Français, à date). Cette évolution a nécessité des adaptations techniques dans les centres de tri, comme l’installation de nouvelles machines de tri optique et d’équipements pour gérer la présence d’emballages souples. Elle a impliqué aussi de repenser la composition des flux triés en centres de tri.

    Ainsi dès 2015, dans les territoires où le tri est simplifié pour les habitants, les flux triés étaient les suivants :

    • Pour le PET clair, les barquettes monocouches (de viennoiserie par exemple) ont été mélangées aux bouteilles ;
    • Idem pour le PET foncé et opaque (barquette de fruits et légumes par exemple);
    • Les bouteilles PEHD et PP ont été rejointes par les pots et barquettes PEHD et PP (barquettes de beurre et pots de crème), ainsi que par ceux en PS (pots de yaourt) ;
    • Enfin, un nouveau flux de films en PE a été créé (comme les films des packs d'eau).

    L’augmentation et la diversification des flux rend la qualification de la matière plus complexe pour les centres de tri. Quelle solution a été mise en place ?  

    Après 1 à 2 ans de mise en œuvre, les recycleurs ont constaté des difficultés à recycler la matière issue des balles sorties des centres de tri qui appliquaient ces nouveaux flux.

    Suite à ces remontées, il devenait indispensable de préserver les filières déjà matures et pérennes aux débouchés à forte valeur ajoutée, comme celle des bouteilles en PET clair, en garantissant une bonne qualité de la matière recyclée.
    Ainsi, après des études d’impact et de faisabilité, Citeo et l'ensemble des parties prenantes ont décidé de créer en 2019, un nouveau flux pour les plastiques, afin d’externaliser le tri des résines plus faiblement représentées dans la collecte sélective vers des centres de surtri spécialisés. Baptisé flux développement, il rassemble 4 familles d’emballages :

    • Le PET coloré, composé principalement de bouteilles ;
    • Le PET opaque, principalement des bouteilles également (lait notamment) ;
    • Les barquettes en PET (barquettes de viennoiserie, fruits & légumes et charcuterie) ;
    • Les pots ou barquettes en PS, dont la moitié du tonnage mis en marché est composée de pots de yaourt.

    Puis en 2021, le flux développement a accueilli les barquettes multicouches, comme cela était prévu dans l’agrément depuis 2019. Cette évolution vise à ce que des filières se développent sur les barquettes en général, et cela commence à fonctionner.

    Ainsi, dans les territoires où le tri est étendu depuis 2019, les centres de tri mettent en balle ces emballages en mélange, puis ils sont acheminés dans des unités de surtri, qui les trient séparément pour rejoindre ensuite leurs filières de recyclage dédiées, qu’elles soient matures (comme pour le PET coloré) ou en phase de mise au point (comme pour les barquettes en PET, les emballages en PET opaque et en PS).

    Ce flux développement entraîne donc une nouvelle organisation industrielle avec des centres de tri et de surtri. Quelle est-elle précisément ?

    En effet, la mise en œuvre de ce flux n’est possible qu’à condition que les centres de tri disposent d’un espace suffisant pour adapter leur process pour le trier, et regrouper ses emballages indépendamment des autres plastiques. Les centres de tri modernisés depuis 2019 remplissent cette fonction. Ils sont environ 80 début 2025.
    On l'a dit, le flux développement des emballages rigides implique aussi la création d’une activité de surtri pour séparer les 4 groupes d’emballages qui arrivent en mélange dans les balles produites par les centres de tri. Aujourd’hui, 8 centres répartis dans toute la France, gérés par des opérateurs de tri, assurent cette activité. 3 nouvelles unités se sont implantées : en mai 2023 à Ruffey-les-Beaune avec Bourgogne Recyclage, en novembre 2023 à Epinal avec Suez et en mai 2025 à Mende avec Environnement Massif Central. La capacité totale de traitement pour ces 3 sites s’élève à 70 kt d’emballages par an. Un 4e centre est prévu pour fin 2026 à Thiverval-Grignon avec SEPUR. Il portera les capacités de surtri de ces unités à 100 kt d’emballages par an. 

    Que deviennent ces emballages une fois surtriés ?

    Ils sont vendus à des recycleurs pour être recyclés en France ou dans des pays frontaliers, Espagne, Belgique et Italie :

    • Le PET coloré est recyclé en bouteille ou pour fabriquer des matériaux d’isolation pour le secteur du bâtiment. La perspective d’atteindre les 100% de retour à la bouteille est espérée pour la fin d’année ; 
    • En ce qui concerne le PET opaque, d’importants progrès ces dernières années ont permis de rendre opérationnelle une filière de recyclage « bottle to bottle » pour le secteur du lait ; 
    • La filière française de recyclage des barquettes en PET est encore en cours de construction. Citons par exemple les mises en service de lignes de recyclage à Limay (78) et Verdun (55) portés par France Plastique Recyclage et Wellman, pour fabriquer de nouvelles barquettes aptes au contact alimentaire ; 
    • Quant au PS, il sert, à date, à fabriquer des cintres ou des pots de fleurs. Pour développer ces débouchés en permettant au rPS d'être intégré dans des emballages au contact d'aliments (refaire des pots de yaourt avec des pots de yaourt), Citeo a choisi de travailler avec le recycleur Belge Indaver dont l’usine est en phase de mise en préindustralisation en 2025, et avec l'entreprise espagnole de recyclage mécanique historique du PS, Eslava, qui continue d'assurer les débouchés actuels. 

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    #recyclage#emballages

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    #écoconception#recyclage

    Pour garantir la bonne gestion de ce flux, Citeo joue un nouveau rôle aux côtés d’autres entités : celui de repreneur de la matière. Quelles sont les conséquences en matière d’organisation ?

    En 2019, Citeo s’est proposé auprès des pouvoirs publics et des acteurs de la filière pour faire partie des repreneurs potentiels de ce flux. C’est le rôle de Citeo de faire émerger une activité qui fait progresser le recyclage. D’autant plus que cette activité n’est pas rentable aujourd’hui et donc peu susceptible d’intéresser des repreneurs : en effet, la vente de la matière ne permet pas de compenser les opérations de transport et de surtri nécessaires. 
    Ainsi, les pouvoirs publics avaient créé une option de reprise spécifique pour permettre aux collectivités locales de bénéficier de conditions de reprise favorables pour le flux développement, qui sans cette disposition aurait une valeur négative. 

    Aujourd’hui, les éco-organismes sont les repreneurs exclusifs du flux développement. Citeo est le repreneur du flux développement des collectivités avec lesquelles il a contractualisé. Pour ce faire, nous avons bâti une nouvelle organisation. Une équipe Citeo dédiée se charge de : 

    • Conduire des appels d’offre pour les activités de transport et de surtri ; 
    • Contractualiser avec des transporteurs et des opérateurs pour faire acheminer les tonnes d’emballages du flux développement depuis les centres de tri jusqu’aux unités de surtri. 
    • Contractualiser avec les recycleurs qui se chargent de donner une nouvelle vie à ces emballages, et nous en certifient le recyclage. 

    Depuis 2023, suite à une modification par les pouvoirs publics, notre cahier des charges d’agrément prévoit :  

    • La mise en place d’un flux développement complémentaire, pour les emballages souples, composé de films en PEBD mais aussi en PP, dans l’objectif d’améliorer leur niveau de recyclage dans les années à venir ; 
    • La généralisation du modèle de tri en flux développement d’ici 2026
    • La systématisation de la reprise des deux flux développement (rigides et souples) par les sociétés agréées, comme Citeo.  

    Ces modifications, qui visent prioritairement à maximiser le recyclage, renforcent le rôle de Citeo, acteur organisationnel des filières de recyclage, dans la continuité de la transformation initiée depuis plusieurs années avec la simplification du geste de tri. En 2024, nous avons repris près de 87 000 tonnes d’emballages rigides et 70 000 tonnes de souples et garanti leur recyclage. En 2024, nous nous sommes associés au dispositif FRET21 pour optimiser la logistique des affrètements et réduire les émissions de CO₂ de 11% sur 3 ans. Cet engagement vise à rendre le transport des tonnages rigides et souples vers les centres de surtri plus durable. 

    Comment s’est adaptée l’activité de tri pour produire les flux attendus ?  

    Avec l’extension des consignes de tri, nous estimons que la production de flux développement des emballages rigides va représenter de l’ordre de 100 000 tonnes d’emballages. Le flux des emballages souples, actuellement en cours de structuration, tend à atteindre les mêmes tonnages. La législation, de plus en plus exigeante sur le niveau de qualité requis de la matière recyclée, nous fait penser que de plus en plus de matière devra faire l’objet d’un process de tri puis de surtri. Massifier les tonnes pour répondre aux besoins des recycleurs, tout en rationalisant les investissements industriels, c’est l’objectif de l’appel à projets lancé il y a 3 ans par Citeo. Dédier des sites à ce tri très précis permet de garantir le niveau de qualité attendu par les filières de recyclage. L’amplification du dispositif du flux développement fait émerger de nouveaux acteurs : avec les 4 unités de surtri réparties sur le territoire, la capacité totale d’emballages traités sera de 100 000 t/an. 

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