• Accueil
  • Le Mag
  • Recyclage des pots de yaourt et autres emballages en polystyrène : où en est-on ?

Vincent Colard

Responsable R&D matériaux

Interview Expert

Recyclage des pots de yaourt et autres emballages en polystyrène : où en est-on ?

La filière de recyclage des emballages ménagers en polystyrène est sur le point de franchir une étape majeure : désormais quasi-opérationnelle à l’échelle nationale, elle va permettre notamment de recycler les pots de yaourt en boucle fermée, avec retour à l’emballage. Ce défi est en passe d’être relevé grâce à la collaboration de l'ensemble des acteurs concernés. Vincent Colard, Directeur R&D matériaux de Citeo revient sur les grandes étapes de cette innovation et sur la recyclabilité des différents types d’emballages en polystyrène.

#recyclage#recyclabilité

    1. Que deviendront les pots de yaourts triés par les Français en 2025 ?

    En 2025, ils redeviendront majoritairement… des pots de yaourt. L’usine de la société Indaver située à Anvers en Belgique est en passe de devenir la première au monde capable de recycler en boucle fermée le polystyrène compact issu des emballages ménagers grâce à une technologie innovante de recyclage par pyrolyse (recyclage chimique). Cette avancée représente un progrès majeur dans le recyclage des plastiques, car elle permet de produire une matière recyclée de qualité équivalente à celle de la matière vierge, et apte au contact alimentaire. En 2025, elle recyclera 80% des tonnages de polystyrène compact collectés et triés en France. 
    Parallèlement, Eslava traitera les 20% restants en recyclage mécanique sur son site de Valence en Espagne. Grâce à ces deux usines fonctionnelles, la filière de recyclage du polystyrène (PS) est désormais pleinement opérationnelle.

    2. Quelles ont été les principales étapes du développement de cette nouvelle filière de recyclage ?

    Le recyclage des emballages en polystyrène et notamment des pots de yaourt, a démarré timidement en 2012. A l’époque, les recycleurs n’étaient pas véritablement équipés pour cela. Le polystyrène est en effet, le seul gisement… sans bouteilles. Cela complique sa collecte, car en centre de tri, les gros emballages sont plus faciles à capter. Les pots de yaourt individuels, par définition petits, passaient difficilement l’étape du captage. Par ailleurs, les débouchés étaient insuffisants (cintres et pots de fleurs principalement) pour rendre viable une nouvelle filière. Cette faiblesse des débouchés s’expliquait également par un facteur géographique. Le pot de yaourt individuel est surtout consommé en Europe du Sud (France, Italie, Espagne, Belgique). Au Nord de l'Europe, on trouve davantage de briques ou de pots grand format. Ce marché plus restreint a ainsi ralenti les investissements et les innovations. 

    En 2020, la loi AGEC a fixé des objectifs ambitieux, marquant un premier jalon majeur. Citeo impulse alors la création d’un consortium d’acteurs, PS25 autour de 13 industriels et 2 fédérations professionnelles. En 2022 la décision de créer une filière pour un retour vers l’emballage constitue un tournant, les travaux du Consortium PS25 ayant conclu à sa pertinence technique, économique et environnementale.

    Plusieurs conditions doivent en effet être réunies sur toute la chaîne de valeur pour qu’une filière existe : un gisement suffisant, des technologies de tri et de recyclage efficientes et des débouchés de marché pour les acteurs économiques, dont les recycleurs.
    Dans ce schéma d’ensemble, l’un des défis majeurs consiste à garantir la qualité du matériau recyclé lors du processus de recyclage afin de créer une véritable circularité du matériau. La naissance du « pot à pot » est ainsi un processus complexe ayant nécessité de lever plusieurs obstacles.  

    En trois ans, nous avons ainsi franchi plusieurs grandes étapes :

    • Simplification du geste de tri :  nous avons poursuivi et quasi-achevé notre stratégie de simplification, pour augmenter la collecte des emballages en plastiques et alimenter ce flux dit « développement ».
    • Création des centres de surtri : Citeo a mis en place ces centres pour assurer un flux suffisant de matière à destination des recycleurs : le flux développement. Deux centres de surtri sont déjà opérationnels (à Ruffey-Lès-Beaune et à Epinal) et un troisième le sera cette année (à Mende). Ils assurent le surtri des quatre familles de plastiques plus complexes à recycler (PET coloré, PET opaque, barquette en PET, et PS). 
    • Appel d’offres : nous avons lancé un appel d’offres pour sélectionner des recycleurs capables de traiter ces balles de polystyrène.

    En savoir plus sur les centres de surtri

    Les centres de surtri : le nouveau maillon de la chaîne du recyclage en France

    #centre de tri#recyclage

    A l’issue de cette procédure, nous avons donc sélectionné les deux recycleurs mentionnés plus haut, Indaver et Eslava. Ce dernier était déjà l’un de nos partenaires, et a investi dans une nouvelle ligne de traitement du polystyrène, afin d’optimiser son processus et d'ouvrir davantage de débouchés, y compris la possibilité de réutiliser le PS pour de nouveaux emballages. 
    Les contrats conclues garantissent des approvisionnements pérennes aux recycleurs, condition essentielle à la viabilité économique de la filière. En outre, le nouveau règlement européen sur les emballages, le PPWR, impose l’utilisation de matière recyclée. Il fixe à 10% le taux d’incorporation de r-PS dans les emballages en polystyrène à horizon 2030.

    Emballages en polystyrène : de quoi parle-t-on ?

    85 000 tonnes d’emballages ménagers en polystyrène (PS) mis en marché chaque année : polystyrène compact (PS compact), du polystyrène expansé (PSE) et du polystyrène fortement extrudé (XPS).

    Le polystyrène compact ce sont les pots sécables (produits laitiers frais, compotes, desserts…), dans une moindre mesure pour les pots de sauce de la restauration rapide et de façon résiduelle pour certaines boîtes d'œufs. 
    Gisement : 60 000 tonnes (incluant des emballages en PS faiblement extrudé).

    Le polystyrène expansé (PSE) ce sont les éléments de calage (mobilier, électronique…) avec leurs billes de polystyrène expansées, agglomérées puis moulées. 
    Gisement : 15 000 tonnes. 

    Le polystyrène fortement extrudé (XPS) comme les barquettes de viande, volaille ou poisson. 
    Gisement : 10 000 tonnes.

    3. En 2025, les autres emballages en polystyrène seront-ils recyclés dans le cadre de la nouvelle filière ?

    Il faut bien avoir en tête que le polystyrène compact et les pots de yaourt représentent la majorité (plus des 2 tiers) du gisement des emballages en polystyrène. Pour ce qui est des autres emballages, leur intégration à la filière a été étudiée.

    Le XPS barquettes (emballages viande, volaille…) et le PSE (éléments de calage qu’on trouve dans les colis en carton) sont, pour l’instant, limités dans leur recyclage au sein de la filière PS. Ces emballages sont fragiles et se cassent facilement, rendant leur collecte difficile. Le contrat des recycleurs prévoit un volume restreint, et le COTREP (Comité Technique pour le Recyclage des Emballages Plastiques) doit prochainement identifier quels emballages XPS sont acceptés dans la filière.

    Mentionnons aussi l'ABS/SAN, qui bien que faisant partie de la famille des styréniques, n’est pas un polystyrène. On le trouve principalement dans les boîtiers de maquillage, les rouges à lèvres... Le COTREP a conclu qu’il ne pouvait pas intégrer la filière PS. Citeo travaille depuis plusieurs années sur sa substitution par des résines recyclables.

    Dans tous les cas, il est important de rappeler que tous les emballages vont dans le bac jaune. On ne peut pas demander aux consommateurs d’être des experts des plastiques. On laisse faire les machines et on rappelle que tous les emballages se trient !

    4. Les travaux d’écoconception se poursuivent-ils pour ces emballages en PS ?

    Oui, avec un objectif d’amélioration continue en termes de design, de tri, des rendements du recyclage. Avec la création de la filière PS et la connaissance sur ces usines, nous pouvons désormais accélérer les travaux sur l’emballage de demain. Nous accompagnons ainsi financièrement et opérationnellement des projets avec différents partenaires. Je m’explique.
    La filière est quasi-opérationnelle, mais pour qu’un emballage soit parfaitement recyclable, il doit pouvoir passer les étapes de tri et recyclage. Ainsi, il doit avoir un design qui lui permet de s’intégrer dans cette filière et être détectable dans les centres de tri et de surtri, de ne pas perturber le procédé de recyclage ou dégrader la qualité du recyclé...

    Par exemple, lorsque le pot de yaourt comporte une banderole en papier avec de la colle et un opercule complexe, cela génère une perte de rendement dans le recyclage. Pour éviter cela, Citeo avec des partenaires, a développé un pot de yaourt entièrement en polystyrène, qui a gagné un prix européen d’innovation. 
    Citeo met son savoir à disposition des acteurs économiques pour qu’ils renforcent l’information du consommateur sur la nécessité de séparer l’opercule du pot  de yaourt avant de les déposer dans le bac de tri (voir la récente campagne de Syndifrais #TriTonPot) ou sur le lancement de travaux sur la transition vers un pot monomatériau.


    Nous avons également aidé les fabricants de colorants à trouver des alternatives sombres qui ne bloquent pas le tri optique, comme pour les pots de crème dessert au chocolat. Les industriels disposent désormais d'une quinzaine de solutions validées, accessibles sur le site du COTREP. Pour encourager la transition, nous avons introduit un malus sur l’écocontribution, ce qui incite nos clients à adopter ces colorants alternatifs.


    Sur les barquettes en XPS servant pour la viande ou la volaille notamment, nous avons travaillé avec l’initiative Creastyr dans le développement d’un modèle de barquette offrant un taux de captage supérieur à 50% sans nécessiter de modifications des machines ou des réglages. Des travaux sont en cours entre Citeo et les deux recycleurs pour tester l’intégration de ces emballages dans les balles de PS dès 2025.

    Pour ce qui est des éléments de calage en PSE, nous explorons plusieurs pistes pour améliorer à la fois les conditions de collecte et les modalités de recyclage. L’objectif est d’augmenter le taux de tri, aujourd’hui inférieur à 20%, de limiter les phénomènes de dépôts au pied des bacs, ou encore de continuer à renforcer l’information du consommateur sur l’importance de bien séparer systématiquement tous les emballages. Car les consommateurs ont tendance à laisser les calages au fond du carton, ce qui empêche la récupération et le recyclage à la fois des calages… et des cartons !
    Deux solutions complémentaires au bac jaune sont ainsi à l’étude : la collecte en déchetterie, notamment parce que les artisans utilisent beaucoup de PSE et l'extension de la récupération par les enseignes d’électroménager. C’est l’exemple, que beaucoup connaissent, du livreur de réfrigérateur qui repart avec les emballages.

    En France, depuis la loi AGEC, toutes les entreprises ont l'obligation d'indiquer si un emballage est entièrement ou majoritairement recyclable. Elles s'appuient pour cela sur les informations fournies par les éco-organismes. Citeo a développé une méthodologie et un outil, TREE, permettant aux entreprises de modéliser directement la recyclabilité de leurs emballages. Cet outil évalue si un emballage peut passer les étapes de tri et de recyclage, en tenant compte de sa composition, de sa couleur, de son étiquette, etc.

    Pour les plastiques, l’organisme chargé de définir si un emballage est recyclable est le COTREP (Comité Technique pour le Recyclage des Emballages Plastiques). TREE est l’outil mis à jour selon l’évolution des recommandations mais aussi du statut des filières de recyclage.

    5. Quelles sont les prochaines échéances réglementaires ?

    La loi Climat et Résilience (2021) prévoyait une interdiction, dès 2025, des emballages contenant des polymères styréniques non recyclables. Ce calendrier ne s’appliquait qu’à la France, et les pouvoirs publics ont préféré attendre la définition des règles européennes attendue pour 2028 dans le cadre du règlement PPWR . Certains industriels ont toutefois anticipé cette interdiction et déjà opté pour d’autres matériaux. Les autres bénéficient de trois années supplémentaires pour leur transition.

    6. Et où en est-on sur les autres types d’emballages
    plastiques ? 

    Deux autres filières sont aujourd’hui en développement et devraient être opérationnelles dans les prochains mois et années :

    • Une filière est en développement pour les emballages souples en polypropylène (PP) (Sachets de biscuits individuels, de pâtes, de salade, de confiseries,) avec une technologie de recyclage par pyrolyse capable d’assurer le retour contact alimentaire. Elle devrait être opérationnelle courant 2025 et les emballages concernés reconnus comme recyclables d’ici la fin de l’année 2025. 
    • Une autre filière est en développement, pour les pots, barquettes et autres rigides en PET/PE clairs, fondée sur un processus de recyclage chimique. En fonction du calendrier de construction, les emballages pourraient être considérés comme recyclables entre 2026 et 2028. Des travaux sont également en cours pour évaluer la possibilité d’intégrer les pots, barquettes et autres rigides en PET coloré à cette filière. 

    L’ensemble de ces évolutions devrait permettre de passer de 65% des emballages en plastique recyclables à 85% à fin 2025.

    #recyclage#recyclabilité#plastiques
    Recyclage des pots de yaourt et autres emballages en polystyrène : où en est-on ?