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Sophie Nguyen

Responsable réemploi et vrac de Citeo

Interview Expert

Réemploi des emballages : état des lieux et perspectives

Les Français veulent agir pour la planète en consommant de manière responsable. Comme les emballages recyclables, les emballages réemployables s’inscrivent dans cette attente. Dès lors, comment le réemploi peut-il se déployer à grande échelle en complément du recyclage ? Quels sont les impacts pour les entreprises et les consommateurs ? Échange avec Sophie Nguyen, Responsable réemploi et vrac de Citeo, et Emmanuel Auberger, Fondateur d’Uzaje, start-up spécialisée dans le lavage industriel des emballages.

#réemploi#emballages

    Le réemploi remplacera-t-il l’usage unique ?

    Sophie Nguyen : La réponse à cette question ne peut pas être la même pour tous les produits, ni tous les territoires de consommation. Pour certains produits, le bilan environnemental et économique du réemploi (un emballage doit être récupéré, transporté et lavé avant d’être rempli à nouveau) restera moins performant que son équivalent à usage unique recyclé.
    Par exemple, ce serait le cas d’une bouteille de whisky produite en Écosse, achetée et consommée à Lyon et qui serait renvoyée en Écosse pour être remplie à nouveau : l’impact environnemental du transport serait clairement négatif. Par ailleurs, il est difficile de comparer une filière performante et optimisée, le recyclage, avec une solution en cours d’expérimentation et de développement, le réemploi.
    Pour Citeo, il faut viser la complémentarité des solutions.

    Emmanuel Auberger : Cette question est poussée par les pouvoirs publics et les attentes d’une partie des citoyens qui demandent des alternatives à la « société du tout jetable ». Or le réemploi n’est pas nouveau, il a toujours existé dans les cafés, hôtels et restaurants et dans l’industrie, avec les palettes notamment. L’usage unique s’est en revanche imposé pour les emballages ménagers de produits de grande consommation. Or le réemploi a le potentiel pour exister aux côtés des emballages à usage unique, comme en Allemagne où les emballages en verre, mais aussi en plastique ou en métal, sont réemployés.

    Quelles sont donc les conditions de développement du réemploi ?

    S. N : Trois axes ont été identifiés par Citeo au cours de différentes études : la dimension territoriale du réemploi – le réaliser en local, réduire les distances –, la massification, notamment via la standardisation des process des emballages réemployables, et l’évolution des pratiques des industriels et des consommateurs. Une nouvelle filière industrielle économiquement viable doit être créée, le transport et la chaîne logistique doivent être optimisés, le consommateur doit intégrer le geste de retour de l’emballage.
    Ces critères sont indispensables pour soutenir le déploiement d’un réemploi pertinent aux plans environnemental et économique, idéalement dans les conditions et les délais demandés par le législateur.

    E. A : La massification est clé : comme ceux d’Uzaje à Neuilly-sur- Marne et Avignon actuellement, et demain maillant le territoire, les centres de lavage ont besoin de traiter un grand volume d’emballages pour atteindre la rentabilité et la pertinence au plan environnemental. Il en est de même pour la logistique et le transport des emballages, mais aussi la gestion et la récupération en magasin.

    Pouvez-vous préciser l’impact de la standardisation des emballages sur le réemploi ?

    S. N : C’est l’un des leviers identifiés pour accélérer l’émergence d’un réemploi performant. La standardisation permet de réduire les coûts environnementaux et économiques liés au traitement des emballages (tri, transport, lavage). Avec des emballages standardisés, les industriels peuvent se partager le parc d'emballages.
    Au printemps 2021, nous avons développé avec les industriels un projet de gamme standardisée pour une dizaine de segments de l'alimentaire (boissons, produits frais, restauration). Le chemin n'est pas terminé mais c'était une première étape historique pour la France.

    E. A : Prenons un exemple : un jus d’orange est embouteillé dans un emballage en verre en Nouvelle-Aquitaine, puis il est transporté à Strasbourg pour être consommé. Un site de lavage des contenants basé à Strasbourg va laver la bouteille, mais pour que le réemploi soit pertinent, il faut l’envoyer vers un site d’embouteillage à Strasbourg. L’embouteilleur doit pouvoir y mettre d’autres produits, et pour cela un récipient standard est nécessaire.

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    À quel stade de développement en est le réemploi en France ?

    S. N : En 2020, toutes les régions françaises comptaient une ou plusieurs initiatives de réemploi, portées par des associations, des entreprises ou des collectivités. En 2021, les industriels et les distributeurs ont cherché des solutions pour permettre de changer d'échelle et de développer le réemploi au niveau national, et les travaux se poursuivent.
    En plus d’accompagner l'émergence de nouvelles solutions techniques et opérationnelles, Citeo participe à une réflexion coordonnée entre les acteurs. Cette coordination est nécessaire pour le déploiement national.

    E. A : Côté Uzaje, nous avons dépassé la phase expérimentale et sommes en phase pilote, en accompagnant désormais de nombreux industriels de la restauration et de la distribution alimentaire sur des centaines de lieux de consommation.
    Il me semble que nous réussirons à développer le réemploi si toute la chaîne de valeur participe, avance en même temps, et que les metteurs en marché et les fournisseurs acceptent un investissement dans les premières années pour atteindre la viabilité industrielle.

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