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Pratique circulaire

Arcadie, une PME qui cultive l’écoconception des emballages

#écoconception#emballages

Créée par un couple de pionniers de l’agriculture biologique, la société Arcadie a développé ses racines sur les terres de l’Aude cultivant des plantes aromatiques, avant d'émerger dans le Gard. Aujourd’hui basée à Alès et forte d’une équipe de plus de 100 collaborateurs, la PME possède deux marques : "Cook", qui commercialise des aromates, des épices et du thé, et "L’Herbier de France", spécialisée dans les plantes aromatiques médicinales. Inscrits dans son ADN, le développement durable et l’écoconception ne sont pas des options chez Arcadie qui étudie et conçoit chaque emballage de ses produits sous le prisme de la réduction des impacts sur l’environnement, en impliquant ses clients consommateurs. Rencontre avec Julien Braye, responsable production et Martin Lacroix, en charge de la communication.

Rencontre avec...

Julien Braye Responsable production - Arcadie
Martin Lacroix Responsable communication - Arcadie
Julien Braye Responsable production - Arcadie
Martin Lacroix Responsable communication - Arcadie

Comment la démarche d’écoconception des emballages s’est-elle imposée à vous ?

Martin Lacroix : de façon assez naturelle. Depuis sa création, l’entreprise défend et met en œuvre une production durable qui respecte l’environnement et la biodiversité. Toute notre production est en 100% bio et axée sur une agriculture non polluante, qui préserve les ressources naturelles. Nous cherchons aussi à aller plus loin en développant le commerce équitable. Nous avons également choisi de fonctionner en Holacratie, un mode de management basé sur la répartition des responsabilités qui favorise l’autonomie et la créativité des collaborateurs, au service du projet d’entreprise. Nos bâtiments sont écoconçus. Les emballages de nos produits font logiquement partie de cette démarche durable globale.

Julien Braye : dans chaque domaine d’activité on se pose la question : « quels sont les défis à relever pour nous aligner avec notre raison d’être et sa dimension écologique ? ». Nous évaluons sans cesse nos marges de progression et requestionnons nos pratiques.     

Par quoi avez-vous commencé et avec quels objectifs ?

JB : nous avons tout de suite travaillé en parallèle sur les emballages de nos fournitures et ceux de nos produits, qui finissent entre les mains des consommateurs. Nous faisons le choix au maximum d’emballages recyclables ou valorisables. Nous cherchons également à limiter le poids matière des emballages pour diminuer leur empreinte (nous avons réduit le grammage de papier et de plastique de plusieurs de nos emballages, sans autre modification). Les résidus organiques sont aussi valorisés sur notre ferme (via le compostage avec apport de matière végétale complémentaire).
Nous avons recours à l’Analyse de Cycle de Vie (notamment via l’outil Bilan Environnemental des Emballages développé par Citeo) pour identifier les meilleures solutions d’emballage au plan environnemental, de la matière première au transport et à la fin de vie. C’est cette démarche qui nous a fait passer, il y a quelques années, du verre au plastique pour nos flacons "Cook", avec des gains significatifs en réduction d’émissions de carbone. Aujourd’hui, nous cherchons d’autres solutions. Notre démarche est multicritère et évolue avec les connaissances des enjeux écologiques.  

Quels sont les principaux freins que vous rencontrez pour écoconcevoir vos emballages ?

JB : la première difficulté vient de nos produits eux-mêmes. Ils sont exigeants en matière de conditionnement. Les huiles essentielles de nos épices ont un comportement « agressif » vis-à-vis de l’emballage ; nos nombreux produits pulvérulents, aux dates limites d’utilisation relativement longues, demandent des fonctionnalités scellantes fortes et limitent l’utilisation de certains matériaux biosourcés. Nous avons aussi beaucoup de petits formats d’emballage en papier qui sont sujets au déchirement et supportent mal les tensions mécaniques de l’ensacheuse.
Un autre frein rencontré est le travail de recherche nécessaire pour sortir des innovations : nous n’avons pas les moyens de financer nous-mêmes ce travail conséquent, et si aucun opérateur plus important ne s’intéresse à ce sujet, nous devons patienter...

La collaboration avec vos fournisseurs est-elle clé ?

JB : Oui, cette relation est clé, certains de nos fournisseurs sont de vrais partenaires. D’autres apprennent pratiquement en même temps que nous ! Parfois nous n’avons pas forcément les réponses à nos besoins mais il y a des innovations intéressantes et un véritable intérêt pour l’écoconception. On sent que ça bouge et que ça progresse, notamment en matière de solutions d’emballages en papier avec de nouvelles propriétés barrières, comme alternative au plastique, ou intégrant de la matière recyclée. Jusqu’à présent, nous avons travaillé avec des fournisseurs volontaires. L’aide extérieure est parfois nécessaire par manque de temps en interne. 

Quelles sont vos dernières réussites en matière d’emballages écoconçus ?

JB : pour les plantes aromatiques de L’Herbier de France, nous avons fait le choix d’un sachet intégralement en papier. Au tout début, il était composé d’une fenêtre transparente en plastique. Pour améliorer la recyclabilité de l’emballage, nous avons rapidement remis en question la présence de cette fenêtre. Si elle répond à un souhait des consommateurs de voir le produit qu’ils achètent, elle n’est pas indispensable pour le conditionner ; nous l’avons donc supprimée. Le travail d’écoconception, c’est bien de challenger les fonctions les moins essentielles de l’emballage pour réduire les impacts. Et pour apporter tout de même de l’information au consommateur sur le produit, nous avons renforcé la communication on pack sur sa description et sur nos pratiques de production.

Sachets papier sans fenêtre plastique

JB : Pour nos produits Cook, nous avons incorporé 25% de R-PET dans nos flacons et allons augmenter cette part si toutes les analyses d’alimentarité nous donnent satisfaction. En interne, nous avons diminué le grammage papier de nos sacs de conditionnement 15 kg d’épices et sommes passés sur du sac papier double paroi, plutôt que triple pour le conditionnement des herbes, avec une économie importante de papier. Nous avons également modifié notre emballage pour les conditionnements en 5kg à destination des transformateurs. Auparavant nous utilisions un sac PE et nous mettions le sac dans un seau en PP. Aujourd’hui nous livrons directement dans un sac papier doublé en PE (le PE est détachable et chaque partie du sac est recyclable). Nous avons supprimé le seau en faisant le pari que nos clients nous suivraient, malgré le changement que cela implique dans leurs habitudes.

ML : je reviens sur notre flacon à épice en plastique PET ; il a remplacé au début des années 2000 le flacon en verre. Léger et recyclable, son bilan environnemental est bon mais nous cherchons une alternative au plastique (même recyclable) pour aller plus loin en matière de réduction des impacts. D’où l’idée d’une recharge en sachet papier/PE qui peut être versée dans un flacon réutilisable, en plastique PET ou en verre. Nous l’avons développée sur une vingtaine de références. La recharge permet d’utiliser 10 fois moins de plastique que le flacon PET à usage unique correspondant.

Flacon verre originel (1990), flacon plastique PET (2003) et recharge papier/PE Evoh (2020)

Vous avez fait le choix de communiquer largement sur vos actions d’écoconception auprès de vos clients consommateurs, sans hésiter à expliquer la complexité de la démarche. Y sont-ils sensibles ?

ML : oui, certains de nos clients sont prêts et en demande d’une information exhaustive, même complexe. S’il est difficile de mesurer précisément l’impact de nos communications sur nos clients, nous savons que l’information et la transparence sont des éléments indispensables de la relation entre nos marques et eux, en B2B comme en B2C. Il est de notre responsabilité d’éduquer et d’outiller les consommateurs pour leur permettre de faire leur choix d’achat en toute conscience.
Ainsi, nous rédigeons des articles que nous diffusons sur notre site internet et ailleurs pour expliquer et montrer comment sont élaborés nos produits, avec quels choix d’approvisionnement, de conception, de packaging, etc. La réglementation sur les allégations environnementales nous engage, et c’est bien normal, à être précis et juste dans nos communications pour éviter le greenwashing. Au-delà des aspects réglementaires, il en va de la crédibilité de nos marques.  

Nous avons déjà évoqué la réutilisation. Comment envisagez-vous les nouveaux modes de consommation, comme le réemploi ou la réutilisation et le vrac ? Quels sont vos projets ?

ML : nous souhaitons participer au développement de ces nouveaux modes de consommation. Un projet de présentoir vrac "spécial épices" avec 17 références est en cours de test dans quelques magasins bio partenaires. Il devrait être finalisé début 2022 et les consommateurs pourront choisir d’apporter leur contenant à recharger, ou d’acheter un flacon vide en verre qui sera présent sur le présentoir. Nous avons sorti nos meilleures ventes en grand format (500g), ce qui réduit encore le grammage de plastique par gramme de produit. Sur nos boîtes de thé en métal, nous avons choisi des étiquettes facilement détachables et invitons nos clients à les réemployer, s’ils ne les utilisent plus pour le thé. C’est maintenant aux consommateurs de soutenir ces propositions en changeant leurs habitudes. 

Quelles sont les conséquences des dernières évolutions réglementaires pour votre entreprise (loi AGEC, décret 3R) ?

JB : Sur la grande majorité de nos emballages cela aura peu de conséquence. Notre démarche d’écoconception suit déjà les grandes lignes de cette loi (incorporation de matière recyclée, diminution de la part de plastique, utilisation des ACV). Et nous trouverons des solutions pour nos quelques emballages problématiques. Après, pour que tout cela soit efficace, les filières de recyclage doivent devenir plus opérationnelles, et l’innovation sur les emballages faire encore quelques bonds en avant, notamment en ce qui concerne les emballages souples en papier.

Quels avantages business tirez-vous de cette démarche d’écoconception ? Est-elle rentable aujourd’hui ?

ML : nous essayons de ne pas raisonner qu’en termes de rentabilité. Nous prenons nos décisions en rapport avec la raison d’être de notre entreprise. Évidemment, la durabilité économique fait partie du développement durable, aussi calculons-nous le plus précisément possible les impacts économiques de chaque évolution envisagée. D’autre part, le “business” nous contraint à tester certaines innovations car le risque de les généraliser d’entrée serait parfois trop important. Notre nouvel emballage issu de cette démarche d’éco-conception (le film papier/PE) a permis de réduire quelque peu le prix du produit. En termes d’image, cette démarche s’inscrit dans le fil conducteur de notre démarche globale qui ne date pas d’hier. Mais il est important de montrer à nos clients que nous nous attelons sérieusement à cette problématique du plastique, tout en leur restituant la complexité de l’approche écoconception.

JB : enfin, en interne, ces projets d’écoconception ont suscité une très belle dynamique, impliquant plusieurs services, et ont fait progresser la conscience des enjeux environnementaux liés aux emballages, ainsi que la compétence de nombreux collaborateurs. C’est donc très positif !

Quels sont vos prochains challenges ?

JB : nous avons deux grands axes de travail. Le premier concerne la substitution du PET pour nos flacons Cook. Aujourd’hui notre vision des choses est que le marché des épices ne se passera pas de flacons à court terme. Les consommateurs y tiennent. Toutes les pistes sont envisagées (un retour au verre, avec une consigne, une nouvelle matière pour le flacon, etc). Le chantier est immense car cela pourrait impliquer de profondes mutations dans notre façon de travailler.
L’autre grand axe est de trouver un film papier qui ne soit pas doublé de plastique pour conditionner nos nouvelles gammes d'épices en “recharge”. Un film qui conserve les propriétés de notre film actuel en termes de barrière et de scellabilité. Nous sommes en veille permanente auprès de nos fournisseurs et du Centre Technique du Papier. Nous allons tester prochainement de nouveaux films. Nous sommes très confiants sur l’issue mais cela pourrait prendre quelques mois, voire quelques années.

En savoir plus sur l'entreprise Arcadie.

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Arcadie, une PME qui cultive l’écoconception des emballages