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Pratique circulaire

Sur la Côte d’Azur, ils font la chasse aux déchets abandonnés

#engagement#déchets abandonnés

Les déchets abandonnés constituent une menace directe pour l'environnement. Comment lutter contre ce fléau ? Sur la Côte d'Azur, où les déchets abandonnés finissent trop souvent leur vie en mer, Isabelle Poitou, de l’association MerTerre, et Laurent Calatayud à la tête de la Direction de la propreté de la ville de Nice, ont fait de cette lutte leur combat. Ils racontent.    

Isabelle Poitou, fondatrice et directrice générale de l'association MerTerre

3 choses à savoir sur Isabelle Poitou :

  1. Biologiste, elle fut l'une des premières scientifiques françaises à aborder les déchets marins comme un sujet à part entière.
  2. MerTerre : c'est lors de l'écriture de sa thèse en 2000, qu'elle fonde l'association qui s'est fixée pour objectif "Zéro déchet marin".
  3. Elle lance « Zéro déchet sauvage » en 2021 : une plateforme collaborative soutenue par le ministère de la Transition écologique et destinée à fédérer toute organisation souhaitant contribuer à la réduction des déchets abandonnés.

Pourquoi avoir déclaré la guerre aux déchets abandonnés dès les années 90 ?

 

Isabelle Poitou : notamment à cause des déchets visibles sur le vieux port et le littoral depuis la corniche de Marseille, objets de ma thèse. Mes études pluridisciplinaires (biologie marine et sciences sociales) m’ont permis de traiter le sujet en profondeur. J’ai alors découvert la complexité de la répartition des compétences à l’échelle des autorités locales. Ce sujet passait entre les mailles du filet ! Dès cette époque, j’ai donc travaillé avec les associations sur le terrain et les collectivités locales, et mis en place mes premières méthodes de caractérisation des déchets, une action qui consiste à les identifier et à les compter. Puis, en 2000, j’ai créé ma propre association, MerTerre.

Quelle a été votre démarche ?
 

I.P : il fallait inventer une nouvelle méthode scientifique pour bien identifier cette pollution et mieux comprendre son origine. Par exemple, les outils scientifiques nous permettent d’identifier les molécules chimiques présentes dans l’eau. C’est plus compliqué avec les déchets car ils sont très variés et se retrouvent dans des milieux différents (plage, ville, vallon…). Nous avons donc proposé des comptages sur le terrain afin de récolter un maximum de données. En renouvelant l’opération régulièrement, nous avons pu établir des comparatifs dans le temps. Les associations et les services publics municipaux sont depuis le début nos alliés dans cette entreprise.

Isabelle Poitou

Les services publics municipaux qui interviennent sur les plages tous les jours et me rapportent des données, c’est de l’or pour moi.

Isabelle Poitou
Isabelle Poitou

20 ans plus tard, les résultats sont-ils à la hauteur de ce que vous imaginiez ?

I.P : je constate que la prise de conscience est réelle chez les pouvoirs publics, et que la caractérisation a été une approche fondamentale pour démontrer l’ampleur du problème, pour identifier les sources de cette pollution et poser des plans d’actions pour l’affronter. Désormais, différents services publics collaborent sur le sujet, et les échanges entre les services techniques, de nettoyage par exemple, et les acteurs économiques, comme les commerçants, se multiplient.

Parler aux citoyens, c'est aussi une de vos missions  ? 

I.P : incontestablement ! C’est fondamental, car les citoyens font partie intégrante de l’équation. C'est pourquoi nous développons pour eux et pour les pouvoirs publics, des outils de vulgarisation, éducatifs et pédagogiques. Ils sont tous accessibles depuis nos plateformes collaboratives ReMed Zéro Plastique et Zéro Déchet Sauvage.
En plus de ces actions d'information, nous effectuons également de nombreuses opérations de ramassage de déchets sur le territoire Marseille Calanques, mais aussi au-delà.

Un dernier mot sur la situation dans le territoire Marseille Calanques...

I.P : avec ce que nous ramassons, il me parait clair que le public n’est pas encore au fait de l’ampleur de la problématique des déchets abandonnés, ni même des sanctions en vigueur. Il faut donc continuer nos efforts. Les fonds marins sont plus propres que dans les années 90. En surface, je ne suis pas convaincue, c’est une amélioration en trompe-l’œil : les calanques sont plus propres car nous effectuons de nombreux nettoyages, mais en réalité le problème persiste !
Il est indispensable selon moi de mobiliser les collectivités. Elles ont un rôle central à jouer pour sensibiliser le public et faire appliquer la réglementation. L’exemple des mégots est frappant : difficile de passer à côté de l'information sur leur toxicité, et pourtant c’est la star indétrônable des déchets sauvages.

Laurent Calatayud, directeur de la propreté de la ville de Nice

3 choses à savoir sur Laurent Calatayud :

  1. Diplômé d’un D.U.T en Biologie Appliquée, il est nommé Directeur de la Propreté de Nice en 2014.
  2. 700 : c'est le nombre d’agents dans ses équipes.
  3. En 2021, il a décidé de créer un outil de caractérisation des déchets au sol, basé sur une approche scientifique.

Vous avez créé un Observatoire de la propreté sur le territoire de la Métropole Nice Côte d'Azur. Que mesure-t-il ? 

Laurent Calatayud : c’est l’aboutissement de 10 ans de travail ! À l’origine, il a fallu transformer la subjectivité liée à la question de la propreté en une donnée objective et quantifiable. J’ai donc commencé par définir des indicateurs objectifs de propreté, en termes qualitatifs et quantitatifs, puis j'ai lancé l’Observatoire de la propreté. Les paramètres mesurés sont : les papiers, les déjections canines, les mégots, les herbes non désirées, les tags, le niveau de remplissage des corbeilles de propreté, les feuilles et les dépôts sauvages/encombrants.
Concrètement, les équipes mènent cette évaluation dans 53 secteurs de la ville de Nice. Cela nous permet d’obtenir une cartographie des niveaux de salissure. Les agents de la propreté utilisent ces résultats pour optimiser leur travail de nettoyage ; ils sont aussi précieux pour les élus des comités de quartiers. 

Comment prévenir cette pollution des déchets abandonnés ?

L.C : nous croisons les données sur les déchets issues de l'Observatoire avec les zones fréquentées, les typologies des rues, les comportements adoptés et la saisonnalité. Cela nous permet de réfléchir à des actions : de nettoyage, de sensibilisation du public et de collaboration avec des professionnels pour mieux gérer les déchets à la source, afin d’éviter qu’ils se retrouvent au sol ; aux sanctions également.
Voici un exemple de sensibilisation grâce aux nudges (« coup de pouce » en anglais). Nous savons que les mégots sont retrouvés en masse devant les écoles et les commerces. Nous avons donc pensé à installer un mégotier surmonté d’un drapeau orange fluo devant les établissements scolaires, pour inciter à y déposer les mégots.
Par ailleurs, nos agents collectent les mégots pour les envoyer vers les filières de valorisation déjà existantes et viables. Quant aux commerçants, la Direction de la propreté pourrait s’engager dans une collaboration active en mettant à leur disposition des cendriers de table.

Nice est une ville de bord de mer. Cela change-t-il votre approche de la gestion des déchets abandonnés ? 

L.C : Absolument. Nice est une ville littorale : le vent, les fortes pluies, les lessivages d’orages, spécifiques à cette région méditerranéenne, sont des vecteurs de diffusion des déchets dans les espaces publics et naturels. Ajoutez à cela l’importance du tourisme à Nice, et vous comprenez pourquoi la lutte contre les déchets abandonnés est capitale pour nous.
Je reçois au moins une fois par semaine des demandes de ramassages de déchets émanant d’associations ou d’entreprises. La plupart du temps, ces demandes concernent les plages. Or ce sont dans les vallons et les lits des cours d’eau que se concentrent les déchets et où les risques sur l’environnement sont les plus importants.
Mieux connaitre le territoire et ses spécificités est indispensable pour orienter les efforts remarquables de nos services, des associations et des citoyens engagés sur le terrain.

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